19 Apr
19Apr

«C'est pour cela que l'Évangile a été annoncé aussi aux morts, afin que, jugés selon les hommes dans la chair, ils vivent selon Dieu dans l'Esprit» (1 Pi 4, 6).

Le Samedi Saint est le jour du grand silence dans l’Église. Pas de messe. Pas de sacrements. Christ est mort, vraiment mort. Pourtant, l’Église attend avec confiance son retour au matin de Pâques, où le Père se manifeste en ressuscitant son fils bien-aimé. Pendant cet intervalle, la tradition proclame que le Christ descend encore plus bas que la mort: il se rend au séjour des morts. C’est ce qu’affirme le Symbole des Apôtres, la plus ancienne version de notre profession de foi: «Il est descendu aux enfers».

Sans entrer dans de longues discussions historiques et théologiques, disons qu’il s’agit d’une manière de rappeler que la réalité de la mort de Jésus fut réelle et complète. Le Fils de l’Homme assume son Incarnation jusqu’au bout. Il a connu la mort comme tous les mortels que nous sommes et les a rejoints dans ce lieu que la Bible appelle Hadès (en grec) ou Shéol (en hébreu). Il s’agit du «séjour des morts», cet endroit où les défunts attendaient le jugement avant la résurrection du Christ, le «premier-né d’entre les morts» (Col 1, 18). Malheureusement, une mauvaise traduction médiévale du Credo ne fait pas de différence entre l’enfer (au singulier), ce lieu où ceux se retrouvent ceux qui sont séparés de Dieu et purgent leur peine, et « les enfers » (au pluriel), le Shéol ou l’Hadès.

Entre sa mort et sa résurrection, la tradition fait descendre le Christ «aux enfers», où il descend en Sauveur afin que les morts puissent entendre la Bonne Nouvelle (1 P 3, 18-19; 1 P 4,6) de la résurrection, à commencer par Adam, le premier homme et tous ceux qui se sont endormis dans la mort en attendant le Salut. Le réveil d’Adam est une image toujours bien rendue dans les icônes orthodoxes de la descente aux enfers.

En affirmant que le Christ «est descendu aux enfers» pour y annoncer le salut à tous ceux qui l’avaient précédé, l’Église rappelle que, dans le Christ, Dieu veut sauver tous les hommes, de tous les temps et de tous les lieux! Ainsi, selon cette interprétation, c’est depuis la descente de Jésus dans le séjour des morts, que les croyants qui meurent ont directement accès à la présence de Christ et du Père, rejoignant de la sorte l’Église triomphante: «Heureux ceux qui dès maintenant meurent au service du Seigneur!» (Ap 14.13).

Illustration: «Le Christ aux Limbes», ou «Le Christ aux Enfers», par Andrea Mantegna (1431-1506), réalisée entre 1470 et 1475, peint en tempera et or sur toile. Collection privée.

Le peintre de la Renaissance Andrea Mantegna représente ici la descente du Christ au séjour des morts, tel que se le représente la tradition des patriarches. Il intitule son œuvre «Le Christ aux Limbes». Il ne s’agit pas des «Limbes» qui deviendront ce lieu où séjournent les âmes des enfants non baptisés, mais bien le lieu du «séjour des morts», où ces derniers attendaient la Résurrection du Christ. Le tableau représente la descende du Christ «aux enfers» entre le Vendredi saint et le jour de Pâques, où selon la première épître de Pierre, que Jésus «est allé prêcher aux esprits en prison» (3, 19), un épisode nommé aussi «Descente aux Enfers».

Jésus, personnage principal, est le seul complètement habillé. Il est vêtu de rouge, couleur symbolique de la Passion. Il tient aussi un bâton. Il est de dos, penché vers un patriarche à mi-corps émergeant d'une grotte profonde. Il est entouré de personnages peu vêtus, quatre à gauche, un à droite, le priant et le remerciant avec les mains jointes ou ouvertes.

L'ouverture de la grotte s'inscrit dans un triangle imaginaire qui débute au sommet du bâton de Jésus. Alors que le bâton du Christ forme une ligne médiane verticale au centre du triangle, les côtés diagonaux s'appuient sur certaines lignes des jambes des patriarches placés sur les bords, dans des zones moins sombres. C'est toute la puissance divine, son pouvoir et sa victoire sur la mort que le triangle évoque.

Contrairement à l'iconographie courante de ce sujet biblique, on n'aperçoit pas la porte «des enfers» ou des «limbes», souvent présentée comme défoncée ou écroulée sur le démon. Dans l'œuvre de Mantegna le point de vue est extérieur au lieu des limbes et le regard se porte sur le dos du Christ.

En ce Samedi Saint, jour de silence et de veille, le récit du Christ qui descend aux enfers réveiller les patriarches et ceux et celles qui attendaient sa résurrection est une source de joie. Le Christ est «le premier-né» d’entre les morts, le premier de la multitude des ressuscités que nous sommes qui partagera la table du banquet éternel. Voilà notre destinée: le royaume du Père, en compagnie du Fils, dans la paix et l’allégresse répandue par l’Esprit-Saint.

Bon Semaine Sainte, au cœur du jubilé de l’espérance!

Claude Pigeon, prêtre

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