25 May
25May

«Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, dit le Seigneur» (Jn 14, 23-29).

Les mots possèdent une grande force: ils engagent, expriment nos pensées et traduisent nos sentiments, comme lorsqu'on dit "je t’aime". Nous avons l’art de les manier, modulant nos discours selon nos convictions: "Je suis croyant, mais pas pratiquant." "Je crois en Dieu, mais pas en l’Église." Nous choisissons nos mots avec soin, car ils reflètent nos valeurs et nos pensées profondes.

Jésus, lui, parlait autant avec ses gestes qu’avec ses paroles, et toujours en parfaite cohérence. L’Évangile du jour souligne l’importance de l’amitié et de l’amour: une amitié sincère, fondée sur la confiance et le pardon. Mais Jésus va plus loin encore—nous appelant à un amour fidèle et engagé, celui qui mène au don total de soi, à l’image de son sacrifice pour nous.

Cette vision peut sembler naïve, voire irréalisable. Pourtant, elle résonne profondément lorsqu’on observe les sacrifices des parents et grands-parents pour leurs enfants ou le soutien indéfectible entre amis dans les moments difficiles. Nombreuses sont les figures publiques qui incarnent cet amour qui donne la vie: Terry Fox, qui après avoir perdu une jambe à cause du cancer, a parcouru des milliers de kilomètres pour financer la recherche médicale; Pierre Bruneau, animateur bien connu au Québec, a accompagné son fils dans son combat contre la leucémie avant de fonder le Centre de cancérologie Charles-Bruneau pour aider d’autres enfants. Ces témoignages illustrent la puissance d’un amour qui donne sa vie pour les êtres chers.

Aimer comme Jésus, ce n’est pas un amour naïf ou complaisant. C’est construire des relations authentiques et profondes, même dans l’adversité. Lorsque cela semble difficile, souvenons-nous que l’amour de Dieu dépasse nos limites humaines—il nous précède et nous aime sans condition. En accueillant cet amour, nous devenons des instruments de sa grâce. À l’approche de la Pentecôte, Jésus nous prépare à recevoir l’Esprit Saint, celui qui nous enseigne à nous laisser aimer par le Père et à tourner notre cœur vers autrui.

Illustration: «Le Juriste Paysan», Pieter Brueghel le Jeune (1564-1638), vers 1620. Huile sur panneau, Musée Grohmann, Milwaukee.

Cette peinture de Brueghel le Jeune, aussi appelée «Le Paiement de la Dîme», représente un avocat entouré de paysans venus chercher conseil, souvent en échange de biens agricoles. Cette scène trouve un écho dans l’Évangile du jour où Jésus présente l’Esprit Saint comme notre Défenseur—autrement dit, notre Avocat.

La composition du tableau est marquée par plusieurs groupes de personnages. À gauche, on observe un clerc concentré sur ses écritures. Il est accompagné de paysans hésitants, dont l’un tient un sac rempli de documents. Au centre, une femme remplit et tend un panier d’œufs, suggérant un paiement en nature pour les services juridiques qu’elle sollicite. À droite, l’avocat, coiffé du bonnet noir des docteurs, lit un document avec une attitude désinvolte, tandis qu’un autre clerc surveille la l’ensemble.

Brueghel dénonce les inégalités et la dépendance des paysans vis-à-vis de la justice de son époque. Il illustre la domination des hommes de loi sur les plus vulnérables, dans un système où la justice semble davantage servir les puissants. Les objets échangés—œufs, raisins et volailles—symbolisent la précarité du quotidien des paysans. Fidèle à l’héritage de son père, Pieter Bruegel l’Ancien, Brueghel le Jeune perpétue cette critique sociale à travers une scène de genre typique de la tradition flamande, mêlant satire et réalisme.

Aujourd’hui encore, nous opposons souvent loi et amour. La loi est perçue comme rigide, tandis que l’amour semble libre et spontané. Pourtant, Jésus ne rejette pas la loi—il l’accomplit pleinement, révélant que la seule loi véritable est celle de l’amour: "Celui qui a mes commandements et les garde, celui-là m’aime." L’amour et l’obéissance ne sont pas opposés, mais indissociables.

Jésus sait que cette fidélité est exigeante. C’est pourquoi il promet l’Esprit Saint, notre Défenseur. Plus qu’un avocat, il marche à nos côtés, nous console, nous guide et nous transforme. Par son Esprit, nous pouvons aimer à la manière du Christ—avec une liberté née du don de soi, enracinée dans la certitude d’être aimé par Dieu en premier. Et à ceux qui se croiraient indignes d’un tel amour, Jésus rappelle que l’amour du Père dépasse toujours notre cœur.

Acceptons cet amour. Apprenons à le reconnaître chez nos sœurs et frères pour mieux les aimer. Autrement dit, lorsqu’un défi ou une barrière surgit entre nous et l’autre, laissons Dieu l’aimer à travers nous. Ce processus fonctionne dans les deux sens ! Ce qui importe le plus, c’est de prendre le risque d’entrer dans cet heureux échange. Viens Esprit Saint enflammer nos cœurs!

Joyeuses Pâques, au cœur du jubilé de l’espérance!

Claude Pigeon, prêtre

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