«Seigneur, apprends-nous à prier». (Lc 11, 1-13)
Cette semaine, j’ai reçu un colis par la poste. Sur l’étiquette imprimée par Postes Canada, on pouvait lire sur la ligne réservée à l’expéditeur: Dieu. Et sur la déclaration de contenu pour la douane: Ce que tu m’as demandé.
Imaginez bien ma curiosité et mon brin de fébrilité. J’ouvre le colis, en m’attendant à quelque chose de divinement spectaculaire: la paix dans le monde, la joie pour mes proches, peut-être même une recette miracle pour guérir le cancer…
Mais non. Rien de tout cela. À l’intérieur, tout ce qu’il y avait, c’était un marteau, une brosse, une lampe de poche et une paire de bottes avec des embouts d'acier, ou comme on dit dans le monde de la construction, des «caps d'acier»!
Surpris, et un peu déçu je l’avoue, j’échappe ces mots: «Seigneur, vraiment? En réponse à ma prière, tu m’envoies des outils que je peux acheter moi-même en solde au Canadian Tire? Ce n’est pas sérieux»…
C’est alors qu’une petite voix intérieure me souffla: «Mon enfant… je t’ai envoyé tout ce qu’il faut pour construire ce que tu m’as demandé dans ta prière».
Cette image m’est revenue en lisant l’Évangile de ce dimanche. Jésus ne nous propose pas des réponses toutes faites, mais un chemin. Il nous enseigne à prier, non pour réciter des mots, mais d’abord pour entrer en relation. Prier, c’est marcher avec confiance, collaborer avec Dieu, Père et Fils, sous le souffle de l’Esprit.
Alors redécouvrons la prière du Seigneur. Le «Notre Père» est d'abord un chemin vers Dieu. Prier, ce n’est pas réclamer. C’est frapper à la porte, chercher avec foi demander avec simplicité. Et surtout, croire que Dieu répond. Toujours. Pas avec du prêt à consommer, mais avec les moyens nécessaires pour bâtir le vrai bonheur.
Illustration: «The Lord’s Prayer», aquarelle sur papier de James Tissot, 1886-1896, (conservée au Brooklyn Museum, New York). Photo domaine publique sur www.wikiart.org
James Tissot (1836–1902), peintre français formé à l’École des Beaux-Arts de Paris, s’est d’abord illustré par des scènes élégantes de la vie londonienne. Après une conversion spirituelle marquante en 1885, il consacre les dernières années de sa vie à illustrer les Évangiles. Il réalise alors plus de 365 aquarelles dans sa série «La Vie de Notre Seigneur Jésus-Christ», et voyage en Palestine afin de documenter avec précision les lieux, les vêtements et les coutumes bibliques.
L’œuvre que je vous propose aujourd’hui s’intitule «Jésus enseigne le Notre Père». Jésus y est représenté debout, entouré de ses disciples dans un décor extérieur palestinien somme toute assez sobre. Il est en posture d’enseignement, les mains ouvertes, dans une attitude de transmission paisible et bienveillante.
Tissot utilise une palette de couleurs douces comprenant des tons ocres, beiges, bleus pâles, avec des touches de lumière dorée. La lumière semble venir de l’intérieur de la scène, évoquant la présence divine. Les vêtements sont détaillés, fidèles aux traditions juives du Ier siècle, soulignant le réalisme ethnographique de l’artiste qui a voyagé en Palestine pour donner de la profondeur à ses oeuvres. En les observant, je revoie les scènes du Jésus de Nazareth de Franco Zeffirelli (1977), qui pour les mêmes raisons, a fait appel aux costumiers Marcel Escoffier et Enrico Sabbatini afin de reconstituer avec exactitude la réalité historique.
Jésus est au centre de l’œuvre, mais n’impose rien. Il enseigne dans l’humilité. Ses disciples, assis autour de lui, sont en posture d’écoute, attentifs et réceptifs. L’absence de décor somptueux met l’accent sur la parole transmise et la relation vivante entre le Maître et ses compagnons. Le geste du Christ Jésus évoque le «Notre Père» comme héritage spirituel offert avec tendresse.
Cette œuvre rend admirablement le moment où, après avoir prié, Jésus répond à la demande de ses disciples: «Seigneur, apprends-nous à prier». C’est l’essence de l’Évangile de ce dimanche qui marque la naissance de la prière chrétienne. Le Notre Père devient ici une prière partagée, familiale, fraternelle, humble et audacieuse.
Le Christ n’enseigne pas d’abord une formule à réciter, mais une expérience à vivre, jour après jour. C’est un souffle intérieur, une posture du cœur, une manière de se tenir devant Dieu. Chaque mot est une invitation à bâtir avec Lui, à vivre à sa lumière, à espérer au sein du quotidien.
Dans l’œuvre de Tissot comme dans l’Évangile, Jésus ne force pas, il enseigne. Il n’impose pas, il propose. Il ne donne pas une recette, il offre une relation. Il ne promet pas des miracles immédiats, il envoie des outils pour grandir. La prière naît dans l’écoute, dans la confiance, dans un désir filial d’aimer et d’être aimé.
Alors oui, parfois, au lieu d’un bonheur prêt à l’emploi, Dieu nous envoie un marteau, une brosse, une lampe de poche, et une paire de bottes... Car ce qu’il nous offre, ce ne sont pas les résultats tout faits, mais les moyens pour les construire.
À notre tour, redisons avec humilité et foi: «Seigneur, apprends-nous à prier…» Et croyons qu’il le fait. À sa manière. Et toujours avec amour. Ensuite, c'est à nous de jouer...
Bon jubilé de l’espérance!
Claude