«Mes brebis écoutent ma voix; moi, je les connais, et elles me suivent.» (Jn 21, 1-14).
Aujourd'hui, Jésus se présente à ses amis en disant: «Je suis le vrai berger». Dans une civilisation rurale comme Israël, le troupeau était une richesse essentielle et le berger jouait un rôle considérable dans la société. La tradition biblique a fini par appliquer l’image du berger idéal à la fonction du roi d’Israël qui devait prendre soin de ce que Dieu avait de plus précieux: son peuple, son troupeau.
Les bergers étaient essentiels à l'économie locale, fournissant du lait, de la laine et des animaux pour les sacrifices religieux. Malgré cela, leur métier était considéré comme humble et marginalisé et ceux-ci veillaient sur leurs troupeaux dans des conditions difficiles. Souvent pauvres et pas toujours appréciés, ils dormaient avec leur troupeau pour protéger les brebis des prédateurs ou des brigands. Ils apparaissaient souvent sales et mal habillés, sans compter qu’ils «sentaient le mouton», nécessité pour que ceux-ci reconnaissent leur berger. Du coup, il était facile de développer une méfiance ou de les garder à l’écart, car tous n'étaient pas honnêtes. Les bergers ne faisaient pas partie de l’aristocratie, loin de là.
La tradition biblique connaît toutes ces réalités, c’est d’ailleurs ce qui donne la force à l’image du vrai pasteur qui se démarque des mauvais bergers. Le vrai pasteur et le bon berger, c’est celui qui, au nom de Dieu, accepte la responsabilité de prendre soin de son peuple, les petits et les pauvres en priorité. L’idéal du bon roi, c’est d’être le lieutenant de Dieu sur terre et d’agir comme le «bon berger de son peuple» (Ez 34, 11-12), par opposition à ceux «qui perdent et dispersent les brebis du Seigneur» (Jr 23, 1-4).
L’évangile de ce matin va encore plus loin. Premièrement, Jésus est le vrai berger parce qu’il entretient un rapport de connaissance unique avec chaque brebis. Deuxièmement, Il y a une intimité et un accord entre le Fils qui protège les brebis et le Père qui les lui a confiées. Ainsi, Jésus n’a pas peur de dire : «le Père et moi nous sommes un».
En d’autres mots, faire confiance à Jésus et le suivre, c’est aussi se placer entre les mains du Père, d’où personne ne peut nous arracher! Nous venons de célébrer la victoire du Christ sur la mort. Il est facile d'avoir l’impression que le Père a abandonné Jésus sur la croix. Pourtant, à ce moment précis où la croix s'élève, le Père et le Fils sont dans une communion profonde et parfaite. Leur objectif est le même: l’amour de tous les humains, la réconciliation entre la terre et le ciel. Voilà l’idéal de tout vrai berger de tout bon pasteur.
Illustration: Photographie de Léon XIV présidant la messe de clôture du conclave avec le collège des cardinaux. Chapelle Sixtine, Vatican, jeudi 29 mai 2025. Vatican Media/SIPA
Jeudi dernier s’est achevé le conclave qui nous a donné le 267e pape de l’histoire de l’Église catholique. Nous savons combien la personnalité et le caractère de chaque pape qui nous est donné a un impact sur la vie de l’Église.
Le pape, c’est d’abord l’évêque de Rome. Il est donc le pasteur d’un vrai diocèse, un berger au service de ses brebis. Mais parce que le diocèse de Rome est le siège du successeur de Pierre à qui Jésus a confié le soin de ses brebis, son évêque joue un rôle d’unité et de communion avec toute l’Église. « Primus inter pares », le premier parmi ses pairs.
L’évangile de dimanche dernier était extraordinaire. Pierre, qui a renié Jésus trois fois, doit maintenant répondre par trois fois à la question: «Pierre, m’aimes-tu?», signe qu’il est pardonné. Pierre peut alors à nouveau monter dans la barque de Jésus -l’Église- et récolter cent cinquante-trois poissons, qui symbolisent l’universalité de l’Église. Il sera maintenant «pêcheur d’hommes» avec les disciples, envoyé jusqu'aux extrémités de la terre.
Cette semaine, on a beaucoup parlé du rôle du successeur de Pierre pour les 1,4 milliard de catholiques dont il est le guide spirituel, ou le berger, à l’exemple de Jésus. Je ne sais pas si vous avez noté l’engouement positif des médias et même l’intérêt des non-croyants qui reconnaissent le rôle du Souverain Pontife en tant que constructeur de ponts entre les peuples et serviteur de la paix. Personnellement, j’ai beaucoup aimé ses premiers mots de la loggia ou du balcon de la basilique St-Pierre: «Que la Paix soit avec vous tous!» Ce sont les mots de Jésus ressuscité qui apparaît à ses disciples. C’est aussi la salutation liturgique au début de l’eucharistie.
J’aime déjà ce pape qui a prononcé 10 (dix) fois le mot «paix» en quelques minutes: une paix «désarmée», «désarmante», «humble». Mais aussi les mots «dialogue», «justice», «synodalité», «marche ensemble», dans son allocution centrée sur le Christ et la mission. Il a aussi proclamé sa confiance dans le Christ Jésus: «Le Christ nous précède!» Et dans la Vierge Marie, en ce jour de son élection qui coïncidait aussi avec la fête au sanctuaire du rosaire de Pompéi, dû au bienheureux Bartolo Longo, qui pourrait être bientôt canonisé.
Originaire de Chicago, c’est le premier pape venu des États-Unis, mais il est aussi de nationalité péruvienne. Il a tenu à saluer son ancien diocèse de Chiclayo, au nord du Pérou, un diocèse rural et pauvre. En somme, il unit en lui tout le continent américain. Plus encore, d’origine française, italienne et espagnole, il réunit l’Amérique et l’Europe.
Le cardinal Prevost a choisi le nom de Léon XIV, c’est-à-dire qu’il met aussi ses pas dans les pas de Léon XIII (1810-1903), qui nous a donné la première encyclique sociale, Rerum Novarum (1891). Il a également condamné l’esclavage et la traite humaine. C’est le pape que sainte Thérèse de Lisieux est allée trouver à Rome pour demander de pouvoir entrer au carmel à 15 ans. Son nom renvoie aussi à saint Léon le Grand (v. 400-461) qui a réussi à sauver Rome menacée par Attila. Ce pape insistait sur la force du baptême en disant cette phrase bien connue: «Souviens-toi, ô chrétien, de ta dignité! Souviens-toi de quelle Tête et de quel Corps tu es membre par ton baptême!»
Il me semble qu’en ce dimanche du bon pasteur, c’est un peu notre devoir de prier pour le succès de la tâche de notre nouveau pape. Les embûches et les pièges ne manqueront pas, c’est clair. Mais derrière lui, il peut compter sur la foi et l'infatiguabilité (et pourquoi pas l'infaiilibilité) de toute l’Église, donc aussi de chacun et chacune de nous.
Joyeuses Pâques, au cœur du jubilé de l’espérance!
Claude Pigeon, prêtre