«Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?» (Lc 18, 1-8)
L’Évangile de ce dimanche nous présente une veuve qui ne se décourage pas. Elle revient sans cesse demander justice auprès d’un juge indifférent. C’est finalement sa ténacité qui finit par l’émouvoir. Jésus nous dit: si un juge fermé finit par céder, combien plus Dieu, qui est juste et fidèle, écoutera-t-il ses enfants?
La prière infatigable n’est pas une répétition mécanique. Elle est un acte de confiance, une manière de dire à Dieu: «Je crois que tu es là, même si je ne décèle pas encore ta réponse. Je sais que tu es déjà en train de m’exaucer, aide-moi à découvrir comment tu vas le faire».
Cette confiance et cette persévérance prennent des visages très concrets: au sein des familles qui continuent d’aimer malgré les tensions et les épreuves; chez les couples qui choisissent chaque jour de se redire «oui», même après des années; à travers les jeunes qui s’engagent pour la planète, qui refusent le gaspillage, qui défendent la justice et la paix; chez les aînés qui transmettent la foi et ses valeurs, et chez les plus jeunes qui apprennent à accueillir cette sagesse… même si, à un certain âge, on croit parfois tout savoir mieux que ses parents ou ses grands-parents!
La prière persévérante, c’est tenir bon dans l’amour, dans la fidélité, dans l’espérance. C’est croire que Dieu agit, parfois en silence, ou de manière imprévue, mais toujours avec tendresse.
Ensemble, comme communauté de disciples, nous pouvons nous soutenir dans cette prière continue et infatigable, comme nous sommes appelés à le faire dans l’action: chacun portant l’autre, chacun fortifiant la foi de l’autre, chacun tendant la main pour compléter le geste de l’autre. Car prière et action sont inséparables. Prier, c’est croire que l’autobus viendra ; agir, c’est courir pour être là quand il arrive. »
Illustration: Bretonne en prière (1906), huile sur toile de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, conservée au Musée régional de Rimouski, au Bas‑Saint‑Laurent.
Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté (1869-1937), né à Arthabaska (Québec), est l’un des peintres et sculpteurs majeurs du Canada français. Formé à Paris (École des beaux-arts, Académie Julian, Académie Colarossi), il a intégré les influences de l’académisme et de l’impressionnisme. De retour au Québec, il s’est consacré à représenter la vie rurale, les paysages et les scènes de piété populaire. Son œuvre se distingue par une grande polyvalence: portraits, paysages, scènes religieuses et sculptures. Il est considéré comme un artiste qui a su unir la rigueur européenne et la sensibilité québécoise. Bretonne en prière (1906) a été réalisée lors de ses séjours en Europe, où Suzor-Coté s’intéresse aux scènes de genre et à la vie quotidienne des populations rurales. La Bretagne, région marquée par une forte tradition religieuse, lui inspire plusieurs œuvres où la piété simple et tenace est mise en valeur. Cette toile s’inscrit dans cette veine: donner une dignité artistique à la foi vécue dans l’humble quotidien.
Dans cette œuvre, une figure féminine occupe l’espace central, isolée de tout décor superflu. L’attention est concentrée sur son attitude recueillie. La femme a les mains jointes, la tête légèrement inclinée, le regard tourné vers l’intérieur. Tout exprime le recueillement et la persévérance silencieuse. Quant à la palette de couleurs, elle est sobre, dominée par des tons bruns, ocre et gris, rehaussés de touches de lumière sur le visage et les mains. Cette économie de couleurs met en valeur la profondeur spirituelle plutôt que l’apparat.
La femme représentée n’est pas une sainte auréolée, mais une personne ordinaire. Elle incarne la foi des humbles, enracinée dans la vie quotidienne. Le contraste entre la simplicité du vêtement et l’intensité de l’attitude intérieure souligne que la prière n’a pas besoin de faste: elle est force en elle-même. La lumière qui éclaire son visage et ses mains symbolise la grâce qui accompagne la persévérance dans la prière.
Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus raconte la parabole de la veuve persévérante qui ne cesse de demander justice. Comme cette veuve, la Bretonne de Suzor-Coté incarne la prière confiante et obstinée. Elle n’a ni pouvoir ni richesse, mais elle possède la force de la foi. Son attitude silencieuse répond à la question de Jésus: «Le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre?» Oui, cette foi existe encore, humble et persévérante, dans le visage d’une femme anonyme qui prie avec confiance. Cette confiance peut tout aussi bien s’exprimer dans l’action, qui manifeste la même fidélité. Deux mouvements qui font battre un seul et même cœur: celui du disciple, qui ne se fatigue pas de prier et d'agir.
Bon jubilé de l’espérance !
Claude