28 Sep
28Sep

«Il y avait un homme riche… Devant son portail gisait un homme pauvre nommé Lazare.» (Lc 16, 19-20)

Jésus raconte une parabole qui frappe l’imaginaire. Un riche, sans nom, festoie chaque jour dans le luxe. À sa porte, un pauvre, Lazare, couvert de plaies, rêve seulement des miettes tombées de la table. 

La mort survient. Les rôles s’inversent: Lazare est consolé auprès d’Abraham, le riche est en détresse. Un abîme infranchissable les sépare. Le message est clair: la vraie conversion commence ici et maintenant, en ouvrant les yeux et le cœur. 

Lazare est toujours là, aujourd’hui, à nos portes. Il prend le visage du sans-abri ignoré, du voisin isolé, de l’étranger qui attend un sourire. Trop souvent, nous passons sans le voir. 

Ce dimanche, je propose trois verbes pour éclairer notre chemin et aller à la rencontre de Lazare… 

Voir, c’est-à-dire ouvrir les yeux. Remarquer le voisin âgé qui vit seul, le collègue en difficulté, l’étranger qui attend un sourire. Lever les yeux de nos écrans pour croiser un visage. 

Partager, pas seulement donner de l’argent, mais offrir un peu de soi. Inviter quelqu’un à sa table, prendre un café avec une personne isolée, déposer des denrées à la banque alimentaire, rendre un service sans attendre en retour. Voilà quelques manières de transformer nos miettes en pain de vie pour un autre. 

Écouter, en commençant par la Parole de Dieu qui nous parle par Moïse, les prophètes, l’Évangile et les témoins d’aujourd’hui. Mais aussi prêter l’oreille à celui qui a besoin de raconter sa peine, sa joie, son histoire. Se laisser déranger par la voix de Dieu qui nous rejoint à travers les plus petits. 

Ces trois verbes résument le chemin que Jésus trace pour nous: ouvrir nos yeux, ouvrir nos mains, ouvrir notre cœur. C’est un appel à transformer quelque chose dans notre vie dès cette semaine. 

Voilà ce que Lazare, malheureux en ce monde et heureux dans l’autre, peut encore nous enseigner.

Illustration: «Invisible Homeless», Luke Jerram, sculpture de verre (2015). (Photo: ©Mark Simmons).

Nous sommes ici devant une sculpture en verre de taille réelle représentant un dormeur au milieu d’un espace public. Créée dans le cadre d’une résidence financée par l’Arts Council au Glass Hub au Royaume‑Uni, cette œuvre de l’artiste britannique Luke Jerram met en évidence le nombre croissant de personnes sans-abri cachées et invisibles. 

Enveloppée dans une couverture de verre translucide, la silhouette fantomatique, sans genre, apparaît fragile et vulnérable. Elle pourrait être la scène réelle de n’importe laquelle de nos villes occidentales. 

L’œuvre n’est pas installée de façon permanente dans un musée. Elle a été présentée dans différents lieux d’exposition et de sensibilisation, notamment à Bristol lors de son dévoilement, ailleurs au Royaume‑Uni, mais aussi en Suède, en Allemagne et en France. Elle circule encore aujourd’hui dans le cadre de campagnes et d’expositions temporaires liées à la question de l’itinérance. Autrement dit, la sculpture de Jerram est elle-même devenue itinérante. 

Elle joue son rôle au milieu de la foule en attirant notre regard sur une réalité trop souvent ignorée: les sans-abri visibles dans nos rues, mais aussi les milliers de «sans-abri cachés» qui survivent dans des auberges, des squats ou des logements précaires et instables. 

Luke Jerram explique: «Pour chaque personne que vous voyez dormir dans les rues, il y en a beaucoup d’autres dormant dans des auberges, des squats et d’autres formes de logement insatisfaisant et précaire. J’étais curieux de voir si la sculpture serait ignorée et traitée comme du mobilier urbain, comme le sont souvent les sans-abri dans une ville.» 

Cette œuvre s’inscrit à l’origine dans une campagne de sensibilisation et de financement au profit de 1625 Independent People, un organisme qui accompagne les jeunes sans-abri de 16 à 25 ans dans la région de Bristol et du Sud‑Ouest de l’Angleterre. Sa mission est d’offrir écoute, médiation et solutions de logement d’urgence pour éviter que ces jeunes ne s’enfoncent dans la spirale de l’itinérance. 

Cette silhouette de verre, fragile et sans visage, nous rappelle Lazare, étendu à la porte du riche. Invisibles hier comme aujourd’hui, les pauvres sont souvent réduits à des ombres, à des présences qu’on contourne sans les voir. 

Lazare n’est pas seulement un personnage du passé: il est ce jeune sans-abri, cette femme en logement précaire, cet homme qui dort dehors dans nos villes. L’Évangile, tout comme l’œuvre de Luke Jerram, nous oblige à ouvrir les yeux, à reconnaître la dignité cachée derrière la fragilité. 

Et Jésus nous avertit: la vraie conversion commence ici et maintenant, en refusant de laisser un Lazare à nos portes, qu’il soit visible ou invisible. Car au banquet du Royaume, c’est lui qui sera assis à la table d’Abraham, et c’est à travers lui que le Christ nous attendra pour nous accueillir.

Bon jubilé de l’espérance!

Claude

Commentaires
* L'e-mail ne sera pas publié sur le site web.