31 Oct
31Oct

«Que votre cœur ne soit pas bouleversé… Je vais vous préparer une place.» (Jn 14, 1-6)

 En ce jour où nous faisons mémoire de nos défunts, l’Évangile nous offre des paroles de consolation et d’espérance. Jésus s’adresse à ses disciples inquiets: «Que votre cœur ne soit pas bouleversé… Je vais vous préparer une place.» Il ne nie pas la douleur de la séparation ni le déchirement que provoque la mort. Lui même connaîtra cette épreuve, et ses proches en seront bouleversés.

Cette tension entre peine et espérance est bien illustrée par une tradition récente au Québec : coller sur une lampe de dévotion la photo d’un défunt, avec ses dates de naissance et de décès. Plusieurs familles rallument ce lampion lors d’un anniversaire ou d’un moment marquant. La flamme dansante éclaire le visage aimé, comme pour dire: «il est encore avec nous, sa vie continue de briller.»

C’est exactement le message de Jésus: «Je pars vous préparer une place…» Il donne un sens à sa propre mort, et à la nôtre. Mais Thomas, le «jumeau» qui nous ressemble tant, ose demander: «Seigneur, nous ne savons pas où tu vas. Comment pourrions nous savoir le chemin?» Il faudra la lumière de la Résurrection pour que les disciples comprennent.

Jésus ne supprime pas la douleur ni l’incompréhension, mais il ouvre un horizon: la maison du Père, vaste et accueillante, où chacun a sa place. Croire en la vie éternelle demeure un acte de foi. Tout comme Dieu lui-même que nul ne l’a jamais vu. Pourtant saint Jean nous rappelle que si nous vivons dans l’amour, en actes et en vérité, alors nous voyons Dieu, car Dieu est amour.
La mort n’est pas un mur, mais une porte. Elle n’efface pas les visages que nous aimons: elle les confie à la tendresse de Dieu. Comme une flamme qui continue de brûler dans nos familles, la vie de nos défunts demeure vivante en Dieu, lumière qui ne s’éteint jamais.

Et Jésus ajoute: «Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie.» L’espérance chrétienne n’est pas seulement une idée ou un lieu futur: c’est une relation vivante a

Aujourd’hui, nous nous souvenons avec gratitude, nous pleurons avec confiance, et nous croyons avec force: depuis la Résurrection du Christ, la mort n’a plus le dernier mot. Le Christ est vivant, et en lui nos défunts vivent pour toujours!

Illustration: La Toussaint (1888) par Émile Friant. Huile sur toile conservée au Musée des Beaux Arts de Nancy.

Émile Friant (1863 1932), peintre lorrain, est l’un des grands représentants du naturalisme français de la fin du XIXᵉ siècle. Formé à Nancy, il s’est distingué par son sens aigu de l’observation et son goût pour les scènes de la vie quotidienne, qu’il rend avec une précision presque photographique. Lauréat du Salon de 1889 avec La Toussaint, il a su donner à ce tableau une force à la fois réaliste et universelle.

La toile, monumentale (plus de 3 mètres de large), se présente comme une frise humaine: une procession de figures, de l’enfant au vieillard, avance vers l’entrée du cimetière de Préville à Nancy. Les vêtements noirs dominent, mais ils ne sont pas uniformes: Friant joue sur des nuances de gris et de bruns, qui vibrent sous la lumière automnale. L’arrière plan s’ouvre sur un ciel clair, presque laiteux, qui contraste avec la densité sombre de la foule.

Les visages, peints avec un réalisme presque photographique, traduisent la gravité du moment. Les vêtements noirs aussi bien que les fleurs portées à la main, tout exprime le deuil et la pesanteur de la perte. Friant rappelle que ce deuil n’est pas solitaire: il est communautaire. C’est une foule en marche, un peuple uni par le deuil qui avance ensemble, comme un seul corps, rappelant que la fidélité de la mémoire des morts unit les vivants.

La composition horizontale, avec ce mouvement de foule qui progresse, suggère une marche en avant. Le deuil concerne la mort des autres, même si la peine est nôtre. Ici, il n’immobilise pas: il met en route. Chacun, à son rythme, avance vers le cimetière, cela fait partie de notre nature humaine. Mais aussi, symboliquement, nous nous rapprochons d’un horizon plus vaste.

Dans l’œuvre de Friant, au fond du tableau, l’espace s’élargit: la porte du cimetière, les arbres dépouillés, et surtout le ciel clair qui s’ouvre au dessus de la scène. La lumière automnale, douce, mais présente, suggère une ouverture: au delà de la tristesse, une espérance demeure. La mort n’est pas un mur, mais une ouverture. La procession terrestre s’inscrit dans une perspective plus grande: celle de l’espérance. 

En observant cette œuvre de Friant et en relisant l’évangile choisi pour la commémoration de tous les fidèles défunts surgit le travail du sens et de la direction qu’il faut donner à nos vies. Même le deuil, vécu ensemble, devient un chemin. La marche des vivants vers le cimetière annonce la marche de toute l’humanité vers Dieu. Et le ciel clair, au delà des habits noirs, rappelle que la lumière de la résurrection se lève même au cœur de la nuit. Depuis la résurrection du Christ, la mort n’a plus le dernier mot en ce monde: une lumière nous attend dans la maison du Père.

Bon jubilé de l’espérance ! 

Claude

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