14 Nov
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«C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie.» (Lc 21, 5-19)

Pour les anciens, le Temple de Jérusalem était une merveille du monde. Aujourd’hui, Jésus le traverse avec ses disciples et annonce sa destruction, des guerres, des persécutions… Il faut se rappeler que l’évangile de Luc a été rédigé après la destruction du Temple en l’an 70 de notre ère. L’auteur y greffe l’enseignement de Jésus sur les fins dernières et sur les persécutions que subiront les chrétiens et les chrétiennes à cause de son nom. Le but n’est pas de susciter la peur, mais d’inviter à la persévérance dans l’épreuve.

Jamais Jésus ne promet l’absence de souffrance, mais sa présence fidèle dans les épreuves. Il appelle à la confiance au cœur de l’adversité. Il exhorte ses disciples à ne pas se laisser séduire par les faux messies ni par les discours alarmistes. Il demande un discernement spirituel et encourage un témoignage courageux. Les épreuves, qui font partie de toute vie humaine et de toute démarche spirituelle, deviennent alors lieu de mission, de résilience et de témoignage.

Les exemples contemporains abondent. En Ukraine, malgré les frappes de drones et les civils tués, des communautés chrétiennes continuent de prier et de servir dans la charité au milieu des ruines. À Gaza, au cœur d’un cessez le feu fragile, des familles endeuillées et un million de personnes dépendantes de l’aide alimentaire survivent. Là, l’Évangile devient un cri de résistance et de foi enracinée. Face aux catastrophes climatiques, comme les inondations au Brésil, les sécheresses à Madagascar, les vagues de chaleur au Pakistan ou les feux de forêt au Canada, l’appel à la persévérance prend une dimension écologique et spirituelle, comme le rappelait le pape François dans Laudato Si’.

Ces événements ne sont pas des signes de la fin, mais des appels à tenir bon dans la foi. Ils nous rappellent que le véritable sanctuaire n’est pas fait de pierres taillées, mais de pierres vivantes. Nous sommes ces pierres enracinées dans le Christ. Devant les épreuves, les croyants et les croyantes qui se lèvent ne sont pas des héros spectaculaires. Ils incarnent la parole de Jésus: «C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie.» L’Église n’est pas un bâtiment. Elle est ce peuple de pierres vivantes qui demeure debout quoi qu’il arrive…

Quand une mère prie seule pour son enfant malade, l’Église est debout. Quand un prêtre célèbre dans une chapelle vide, l’Église est debout. Quand une communauté accueille un réfugié, l’Église est debout. Quand un croyant pardonne malgré la blessure, l’Église est debout.

Illustration: Murad Al-Assar, Noise of Death (Bruit de mort), (2025). Crédit : biennale de Gaza, Brooklyn. Credit photo: www.fadmagazine.com

La Biennale de Gaza, présentée en 2025 à Brooklyn, rassemble vingt-cinq artistes palestiniens dans un contexte de guerre, de famine et de déplacement. Murad Al-Assar y expose plusieurs peintures en style faux naïf, inspirées directement de son expérience familiale. L’artiste ne fait pas que représenter son environnement, il témoigne de la douleur et de la survie de son peuple. Il proclame l’humanité qui persiste malgré la guerre. Ses œuvres traduisent la vie sous les bombardements: une famille qui fuit avec tout ce qu'elle possède sur sa voiture, une fillette amputée, des enfants sous la menace de bombes, un enfant se bouchant les oreilles pour échapper au fracas. L’artiste raconte avoir tenté de distraire ses propres enfants, une nuit d’hiver, du bruit des explosions. Son art devient ainsi un témoignage vivant de la peur et de la résilience à Gaza.

Dans « Bruit de mort », Al-Assar met en scène un enfant placé sous l’ombre de bombes suspendues qui approchent. L’espace est volontairement frontal et simplifié, accentuant la vulnérabilité des structures matérielles et des personnes à travers l’unique enfant représenté à l’avant-plan. Les formes simples et un visage épuré représentent l’innocence brisée.

La palette de couleurs est sobre, dominée par des tons terreux et sombres qui évoquent la poussière et la nuit. Les contrastes entre les couleurs chaudes de la chair et du rouge atténué et les gris froids des bombes renforcent la tension dramatique. L’absence de luminosité vive souligne l’étouffement et la perte d’espérance.

Les bombes suspendues au-dessus de l’enfant incarnent la menace constante, une fatalité quotidienne. Le geste de l’enfant qui se bouche les oreilles traduit l’impossibilité d’échapper au bruit de la guerre, où même le son devient une arme.

Cette œuvre est à la fois un cri et une prière: elle dénonce la mort omniprésente tout en affirmant la force de l’art comme résistance. Le titre «Bruit de mort» relie directement le fracas des bombes à la mort, montrant que le bruit lui-même est destructeur.

Dans l’Évangile de ce dimanche, Jésus annonce des temps de destruction et de persécution, puis il ajoute: «C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. » Ce verset éclaire l’œuvre de Murad Al-Assar, qui ne sublime pas la douleur, mais la traverse avec lucidité. «Bruit de mort» ne parle pas d’une espérance abstraite, mais d’enfants réels, exposés à la peur, au bruit et à la perte. Leur persévérance n’est pas héroïque: elle est fragile, silencieuse, parfois désespérée. Pourtant, elle tient bon. L’art, comme la foi, devient ici une forme de survie, une manière de garder vivante la dignité humaine quand tout menace de l’effacer. Ainsi, l'artiste Mural Al-Assar devient écho de l’évangile: au cœur du fracas, la persévérance ne nie pas la souffrance. Elle la porte, elle la transforme en mémoire et en cri pour la vie. Pour nous, elle appelle à l'action solidaire.

Bon jubilé de l’espérance !

Claude

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